Le 18 Novembre 1803 à Vertières, des anciens esclaves de St-Domingue alliés aux affranchis (mulâtres et noirs libres) font face à leur destin, en livrant un ultime combat à l’armée Française de Napoléon Bonaparte, la plus puissance de l’époque au monde. Sans le savoir, l’armée indigène étaient en train de réécrire l’histoire de l’humanité, car jamais auparavant une révolte d’esclaves n’avait réussi à se transformer en révolution. À la tête de cette armée révolutionnaire un certain Jean-Jacques Dessalines.
Dessalines est un esclave qui naquit à la Grande-Rivière, département du Nord d’Haïti, en 1758. Dans un premier temps, il vécut chez Henri Duclos, un colon blanc propriétaire d’une caféière, avant d’être acheté, par Dessalines, un noir libre, qui lui donnera son nom et lui apprit le métier de charpentier. Jeune, il n’a pas eu la vie facile, car étant un esclave rebelle, il se révoltait constamment contre l’inégalité qui régnait à Saint-Domingue et de l’injustice dont subissait ses frères. Ces attitudes lui valurent souvent le prix d’être fouetté et avait conservé de nombreuses cicatrices sur son corps. Marron, il fit de la révolte la logique de sa vie, et pour abattre l’ordre colonial tous les moyens étaient bons, alors âgé de trente-trois ans, il conquit sa liberté, dans le sang en intégrant les rangs des révoltés sous les commandements de Boukman d’abord, de Jean-François et de Biassou par la suite.
Le parcours militaire de Dessalines n’est pas très différent de Toussaint Louverture, il avait d’ailleurs servi sous les ordres de celui-ci. L’histoire ne précise pas avec exactitude, le moment ou Dessalines s’est impliqué au côté des insurgés. On sait par contre, qu’il figurait parmi les meilleurs officiers de Toussaint Louverture. Par conséquent, il est possible qu’il ait participé activement à la grande insurrection servile du 22 août 1791, que dirigea son chef Toussaint. Pendant la guerre contre les anglais dans les rangs français, il se distingua, il se fit remarquer par son énergie et sa bravoure. On dit aussi de lui, un officier, impitoyable, homme radical dans l’action « Coupe tèt, boule kay ». Et c’est lui qui lancera le mot d’ordre qui devait galvaniser les énergies des indigènes : « Liberté ou la mort ». C’est Dessalines qui eut aussi la mission d’écraser la révolte orchestrée par le général Moise dans le Nord sous le régime de Toussaint.
Nous avons osé être libres, osons l’être par nous-mêmes et pour nous-mêmes. Biographie de Jean-Jacques Dessalines
©Statue de Jean-Jacques Dessalines

La carrière militaire de Dessalines est très reluisante, c’est sur les champs de bataille qu’il a conquis ses galons, car il n’a jamais fréquenté l’académie militaire. Pourtant, il s’est révélé l’un des plus grands génies militaires de son temps et de toute l’histoire de l’humanité. Ce grand génie militaire, n’a rien à envier aux plus grands chefs militaires, comme Alexandre Legrand, Jules César, Marc Antoine, ou Napoléon Bonaparte, qu’il a d’ailleurs défait. Il portait en lui l’art militaire et savait conduire les soldats à la victoire. La guerre est son métier. Commandant de la quatrième demi-brigade, il fut à l’avant-garde, avec ce corps d’élite, de toutes les victoires importantes remportées par Toussaint Louverture.
Dans la guerre contre les français pour l’indépendance on se souviendra qu’en février 1802, alors qu’il commandait la ville de St-Marc, à l’approche du général Bourdet (commandant français). Dessalines ordonna d’incendier la ville, en commençant par mettre le feu lui-même à sa propre demeure qui était d’une grande valeur à l’époque. La même année (1802) au mois de Mars, à la Crête-à-Pierrot, à la tête de seulement mille deux cents soldats indigènes (des va nues pieds), il opposa une résistance farouche au général Leclerc, le beau frère de Bonaparte à la tête d’une armée de douze mille hommes, disposant d’armes les plus sophistiquées de l’époque. Pendant plus de 20 jours soit du 4 au 24 mars 1802, Dessalines livra une lutte sans précédent à Leclerc. Au début des combats, comme lui seul avait ce don de galvaniser les troupes, il électrisa ses soldats par la très fameuse déclaration : « Que ceux qui veulent rester esclaves des Français sortent du Fort, que ceux, au contraire, qui veulent mourir en homme libre se rangent autour de moi. » A la fin des combats, il a même pensé à faire sauter le Fort de la Crête-à-Pierrot si, les Français parvenaient à y pénétrer.
Aux commandes de l’armée indigène, Dessalines finit par infliger la défaite irréversible à l’armée napoléonienne dans le fameux combat de Vertières du 18 Novembre 1803, ouvrant la voie vers l’indépendance de la première république noire. C’est ainsi qu’environ un mois plus tard, le dimanche 1er janvier 1804, aux Gonaïves fut célébrée la proclamation de l’Indépendance, comme le voulait Dessalines, par une cérémonie solennelle, afin de montrer qu’il fallait rompre à tout jamais avec le colonialisme et l’esclavagiste. Le matin, le peuple afflua des campagnes, aux côtés des militaires et officiers ayant conquis l’indépendance (la fête fut grandiose). A sept heures, Dessalines, entouré de son cortège des généraux, passa par la foule pour gravir les marches de l’autel de la patrie. Dans un discours en créole, il rappela, avec véhémence tous les tourments endurés sous la domination française. En terminant, tendant le bras, il s’écria : « Jurons de combattre jusqu’au dernier soupir pour l’Indépendance de notre Pays.. ». Un peu plus tard dans le protocole de la cérémonie, l’adjudant-général Boisrond-Tonnerre, debout auprès de Dessalines, donna lecture de la proclamation du général en chef, et de l’Acte de l’Indépendance signé de Dessalines et des principaux officiers de l’armée. En fin de cérémonie, le cortège officiel se rendit au Palais du Gouvernement, dernière étape ou les lieutenants de Dessalines dans un acte délibéré, le proclamèrent gouverneur général à vie de l’île d’Haïti. Quelques jours plus tard, la publication de ses actes officiels dans toutes les villes et tous les bourgs d’Haïti provoqua de nouvelles réjouissances populaires. Un nouvel État était né. Il fut couronné à Port-au-Prince le 8 octobre sous le nom de « Jacques, Empereur Ier d’Haïti. »
Dessalines n’avait reçu aucune formation académique, mais il était doué d’une raison digne de la pensée de Descartes. S’il est vrai, qu’il avait passé la plus grande partie de sa vie dans l’esclavage, sur les plantations avec toute la rigueur que cela comportait, il fut un bon empereur pour ses sujets et travailla à rendre le système plus humain. Doté d’un caractère très fort, d’une personnalité transcendante et d’une volonté inébranlable. Dessalines est décrit par l’histoire comme étant un homme sensible, généreux, courageux, jovial, impétueux et aimant le soldat, sa caractéristique semble être excès en toute chose. Beaucoup d’historiens sont unanimes sur le fait que les états esclavagistes d’hier et ‘’faux amis d’aujourd’hui’’ n’ont jamais digéré cette gifle à l’égard de la révolution des esclaves noirs de St-Domingue et la création d’un Etat Nègre en Amérique, remettant en question tous ce que l’on savait jusqu’à cette date. Comme le dit si bien l’éminent historien Alain Turnier : « L’indépendance des nègres d’Haïti giflait avec violence l’histoire du monde civilisé. Elle déchaîna la peur, l’indignation, l’hostilité ».
Le premier gouvernement haïtien a du faire face à plusieurs à des défis énormes, surtout au niveau de la gestion des forces en présence après le premier janvier 1804. Premièrement, les aristocrates appartenant aux nouveaux libres voyaient en Dessalines un leader pour protéger leurs intérêts, eux qui se révélèrent aussi égoïstes et rapaces que leurs bourreaux (les colons français). En majorité constitués de militaires, leur soutien à l’empereur fut uniquement conditionné et harmonisés à leurs intérêts personnels et de classe. Ils étaient aussi réactionnaires que les aristocrates anciens libres (les affranchis), ils craignaient le nivellement économique du pays à partir du partage équitable des biens. Les leaders des affranchis, quand à eux, il ne faut même pas y penser, puisque la dite alliance avec les esclaves fut presque contre mature, eux qui étaient de grands propriétaires terriens. Dessalines représentait à leurs yeux une certaine garantie pour l’indépendance, s’il l’a réalisé l’indépendance, il pouvait aussi la défendre. Ce qui fait de lui, un leader national. Le gouvernement de Dessalines a tenu le coup à travers les antagonismes jusqu’au tournant de la campagne de l’Est (tentative d’unifier l’île). Le régime ne se remettra pas de cet échec, lequel a estompé les facteurs qui avaient fait de Dessalines une nécessité nationale. Deux politiques majeures caractérisent le régime dessalinien, ce sont notamment, l’organisation militaire du territoire nationale, et la politique agraire. C’est ainsi que les grands généraux deviennent responsables des grandes régions où ils étaient les chefs incontestables, tant et si bien que Dessalines, chef d’Etat, a moins de pouvoir, d’autorité dans ces zones que ces chefs des régions par exemple au Cap sous la responsabilité de Christophe. La politique agraire de Dessalines marqua sa gouvernance et fut à l’origine du soulèvement des ses proches et le déclenchement du coup d’état dans lequel il périt.
Il faut souligner selon ce que rapporte certains historiens, le régime dessalinien fut républicain, c’est-à-dire avec une vision démocratique au service des masses au regard de la chose publique (l’Etat était la chose publique). Démarche qui plaça ce régime dans une situation extrêmement dangereuse face à l’aristocratie qui détenait le levier des rapports de force après l’indépendance. Les conditions de fonctionnement du pouvoir était d’autant plus précaire que Dessalines avait hérité d’un pays ravagé par treize années de guerre et d’agitation, privé de ressources économiques, le pays mis en quarantaine et cerné par la convoitise internationale, aux prises avec la jalousie et la rapacité de la classe possédante. Dessalines fut appelé à prendre des mesures conformément à la nécessité du moment : sauvegarder l’indépendance nationale par la prospérité économique : mission qu’il s’était assigné au prix même de sa vie. « Une indépendance qui se voulait purement politique, disait-il, s’avérait chimérique ». L’assassinat de Dessalines, le 17 octobre 1806, créa la première crise politique en Haïti, dont le pays ne se remettra jamais. Dans son génie, il faut donner le crédit à Dessalines d’avoir essayé de concilier l’inconciliable qui est la misère des masses et les impératifs de la sauvegarde de l’indépendance. Et nous ne pouvons pas nous empêcher également de prêter à Dessalines cette une volonté certaine de respecter les exigences de la révolution quand il déclare, face à l’engouement démesuré des nantis de tout accaparer : ... « Et les pauvres noirs dont les pères sont en Afrique, ils n’auront donc rien...Nous avons tous combattu pour l’indépendance, tout le monde doit en jouir ». DESSALINES est mort du complot orchestré par les deux leaders des nouvelles classes dominantes du nouvel État d’Haïti : CHRISTOPHE REPRESENTANT DE L’ELITE NOIRE ET PETION REPRESENTANT DE L’ELITE MULATRE. Il n’est pas mort au combat, comme MACKANDAL, BOUKMAN, ACAO, BENOIT BATRAVIL, RAYMOND JEAN-FRANCOIS, ALIX LAMAUTE, YANICK RIGAUD.