Né le 2 juillet 1925, à Onalowa, territoire de Katako-Kombe, dans le district du Sankuru, au nord du Kasaï, Patrice Lumumba est le cadet d'une famille de quatre enfants vivant pauvrement de revenus agricoles, amputés par les impôts de l'administration coloniale. Il va à l'école missionnaire catholique où il a été baptisé. Il travaille si bien qu'il abandonne les missionnaires catholiques pour passer dans une école protestante, tenue par des Suédois. En 1945, à la fin de la seconde guerre mondiale, il est déjà un de ceux qu'on appelle les "évolués", une minorité d'individus ayant bénéficié d'une éducation "moderne" et intellectuellement privilégiés. Il faut pourtant attendre les années cinquante et la découverte des villes - Stanleyville, future Kisangani, et Léopoldville, aujourd'hui Kinshasa - pour que l'adolescent, puis l'adulte, entré dans l'administration des postes et marqué par le racisme ambiant, commence à rêver d'indépendance et à militer activement au sein des associations des« évolués », embryon d'une première élite africaine.
Il commence, très tôt, à s'intéresser à la politique. Après avoir suivi avec beaucoup d'attention la décolonisation de l'Inde, en 1948, le vent des indépendances qui secoue l'Afrique au début des années 50 (Lybie en 1951, Maroc, Soudan et Tunisie en 1956, Ghana en 1957 et Guinée en 1958) ne laisse pas le syndicaliste Lumumba indifférent. En septembre 1954, il reçoit sa carte "d'immatriculé" : le détenteur de cette carte qui est une invention de l'administration coloniale est supposé vivre à "l'européenne", avoir de bonnes m½urs et de bonnes conduites. 217 cartes seront distribuées jusqu'en 1958 (sur 13 millions de congolais!). En 1955, Lumumba qui écrit depuis 1951 dans divers journaux existants crée une association, l'APIC (association du personnel indigène de la colonie), profitant du relatif espace de liberté laissée par l'administration coloniale dans le domaine associatif, qui est apolitique. Il participe, En 1956, à la conférence du mouvement des Non-Alignés de Bandoeng en qualité d'observateur. En octobre 1958, Lumumba fonde le Mouvement national congolais (unique parti à caractère national à l'époque), avec Stanleyville (Kisangani) comme fief. Lumumba participe la même année à la conférence d'Accra et prend contact avec les personnalités les plus influentes du monde africain, comme Kwamé N'Krumah et Nasser. Dès lors, l'indépendance du Congo belge devient inévitable. A la suite des émeute du 4 janvier 1959, sur la place de la Victoire, à Kinshasa, le Roi Baudouin 1er promet, dans une allocution radiodiffusée, le 13 janvier 1959, "de conduire, sans atermoiements funestes mais sans précipitation inconsidérée les populations congolaises à l'indépendance, dans la prospérité et la paix".
En octobre 1959, le MNC organise une réunion unitaire à Stanleyville avec d'autres partis qui sont d'accord pour réclamer l'indépendance immédiate et inconditionnelle. La foule congolaise qui assiste à la réunion manifeste son approbation. Les forces de l'ordre interviennent, essayant d'arrêter Lumumba. Ne pouvant y arriver, elles tirent dans le tas, faisant 30 morts. Deux jours plus tard, Lumumba est arrêté pour avoir appelé à la désobéissance civile et au boycott des élections organisées par le pouvoir colonial tant qu'une décision n'est pas prise pour la formation d'un gouvernement congolais. Le procès se déroule du 18 au 21 janvier, et il est condamné à 6 mois de prison. Début 1960, le 11 janvier, une table ronde réunissant les différents acteurs congolais impliqués dans l'indépendance et le gouvernement belge est prévue pour...le 20. Lumumba qui est toujours emprisonné ne peut donc y participer. Les délégués du MNC refusent de participer aux travaux en l'absence de leur leader. Malgré les oppositions internes, les différentes parties congolaises en présence exigent la participation de Lumumba à la conférence. Ce dernier arrive à Bruxelles le 26. A la table ronde, la date de l'indépendance est fixée au 30 juin et les congolais sont les premiers surpris de ce succès qu'ils n'attendaient pas. En mai 1960, les élections législatives sont remportées par le MNC (Mouvement National Congolais), présidé par Lumumba, qui devient ainsi le tout premier Premier ministre et chef du gouvernement, tandis que Kasa-Vubu est désigné Président de la République par le Sénat du jeune Etat dont l'indépendance est proclamé le 30 juin 1960. Le premier ministre Lumumba préconise la préparation de l'élite à assurer les affaires publiques afin de gagner l'indépendance économique, à continuer le processus de démocratisation, à implanter la déclaration des droits de l'homme et à sortir du néocolonialisme par la non-violence. Le 11 juillet 1960, aidé par les parachutistes belges, Moïse Tshombe, proclame la sécession du Katanga. Le 9 août 1960, Kalonji Mulopwe (l'ami personnel de Tshombe) annonce la sécession du Sud-Kasaï. Lumumba et Kasa-Vubu en appellent aux Nations unies qui envoient des casques bleus pour assurer la paix. Lumumba rompt les relations diplomatiques avec la Belgique.
©Patrice Éméry Lumumba

Après son voyage aux États-Unis et au Canada, pour la troisième résolution du conseil de sécurité sur le Congo, Lumumba somme les Nations unies à réduire la sécession katangaise. En septembre 1960, Kasa-Vubu révoque Lumumba. Ce dernier juge illégal et nul le geste du président de République, avant de le révoquer a son tour. Le colonel Mobutu, alors chef d'Etat-Major général des Forces armées (nommé à ce poste par Lumumba), fera son tout premier coup d'Etat militaire en déclassant Kasa-Vubu et Lumumba pour installer un gouvernement des Secrétaires généraux. En décembre il fait arrêter Lumumba qui est transféré au camp militaire de Thysville (Mbanza Ngungu). Le 17 janvier 1961, Lumumba est placé dans un avion et envoyé à Bakwanga, escorté par Mukamba et Kandolo, pour son élimination physique par son ennemi Kalonji. Ce dernier ayant refusé à l'avion d'atterrir, Lumumba est transféré au Katanga ou il sera exécuté le soir même. Le lendemain, une opération sera menée pour faire disparaître les restes de la victime. Le 14 février 1961, Tshombe déclara que Lumumba venait d'être abattu, ce jour-là, à la suite d'une tentative d'évasion de la prison d'Elizabethville, lui et ses compagnons. Les jours suivants, plusieurs lumumbistes, ou des gens pris pour tels, seront exécutés, un peu partout à travers le pays.
Lumumba était détesté de son vivant aussi bien par les puissances occidentales, qui l'accusaient d'être communiste, que par leurs pantins, leaders politiques congolais. Mais, il fut unanimement regretté après sa mort. Un symbole anticolonialiste venait de mourir. Cela fit un tel scandale au pays et dans le monde que Mobutu, celui-là même qui l'a livré, le proclama, en 1966, héros national. Lumumba fut le symbole de la lutte anti-coloniale. Il désirait instaurer pour le futur Congo indépendant l'unité nationale congolaise et le pluralisme politique. Il était partisan du panafricanisme et du non alignement.
Patrice Lumumba était marié et a eu cinq enfants : François était l'ainé, suivi de Patrice junior, de Julienne, Roland et Guy. François avait 10 ans quand son père est mort. Avant son emprisonnement, Lumumba s'est arrangé pour que son épouse et ses enfants puissent quitter le pays. Ils sont allés en Egypte et François a passé le reste de son enfance là-bas, avant d'aller en Hongrie pour poursuivre ses études. Il est revenu au Congo dans les années 90 lorsque la rébellion contre Mobutu commençait, et a créé un petit mouvement politique Lumumbiste. Bien que son mouvement demeure petit, il reste impliqué dans la politique congolaise et essaie de défendre les idées de son père. Sur le DVD du film Lumumba, dans la section d'usages spéciaux, il y a une entrevue avec Julienne. Elle y parle de la façon dont son père allait mourir pour son pays. Lumumba n'imaginait pas que Mobutu allait prendre le pouvoir mais croyait simplement que celui-ci était un pion de la Belgique coloniale. Julienne Lumumba dit que Lumumba croyait fermement que son message vivrait après sa mort. Lumumba a écrit plusieurs livres qui ont été traduits. Le retour d'Égypte de sa femme Pauline et de ses enfants fut considéré comme un événement national.
Après la cérémonie de l'indépendance du 30 juin 1960, un journaliste demande à Lumumba ce qui l'a poussé à faire de la politique. Réponse : "Je suis né dans une famille de croyants, on m'a toujours dit tu dois être bon... mais ce que moi je ne comprenais pas c'est comment est-ce que ceux qui enseignent qu'il faut être bon ne sont pas bons eux-mêmes." "Avec sa mort, Lumumba a cessé d'être une personne. Il est devenu toute l'Afrique." (Jean-Paul Sartre) "On dit que le fils de Tolenga est mort, mais ceux qui disent cela ne peuvent pas montrer son cadavre." (Raoul Peck)